LA PRISONNIERE
Elle avait tant travaillé, lasse de sa journée
Qu'elle s'était endormie sans même avoir dîné
Epuisée, elle n'avait plus la force de pleurer
Juste dormir, plaisir éphémère qu'elle espérait
Elle ne connaissait de la vie que ce cachot
Et ses lourdes chaînes qui lui martelaient la peau
Elle savait qu'il allait venir comme chaque nuit
Abuser d'elle, rituel saccadé de l'ennui
A peine endormie sur son lit de toile serrée
Elle sentit une douce main la caresser
Offrit son corps à ce plaisir ignoré
Puis ouvrit les yeux, légèrement angoissée
Bonjour, disait la voix, je suis la bonne fée
Ne prends pas peur, je suis venue te libérer
Regarde et admire ce que mère Nature fait
de tous ces bienfaits, tu vas pouvoir t'enivrer
Je suis prisonnière et porte de très lourdes chaînes
Il va revenir pour me punir, me châtier
J'ai peur du fouet quand sur moi il se déchaîne
C'est un homme dur et cruel, il frappe sans pitié
Où sont donc les chaînes, où sont donc les barreaux
Je ne vois que le vent courant sur les chemins
Je n'entends que les cris et les chants des oiseaux
Je ne sens que bonheur à venir pour demain
Viens, suis-moi, la vie est belle, il faut la cueillir
Tu vas rire, aimer, boire, rêver et puis chanter
Sans contrainte tu glaneras le temps à venir
Dans un monde de joie, d'amour et de gaîté
Chaînes et barreaux avaient bel et bien disparus
Elle courait, jouait, rien ne pouvait l'arrêter
Ivre de bonheur, elle quittait ce lieu perdu
Qui l'avait sevrée d'amour et de dignité
Elle s'abreuvait de tout, de rien, il faisait bon
Puis le temps d'un baiser, la fée l'avait quittée
Dis-moi ton nom, supplia-t-elle, dis-moi ton nom
Le vent lui répondit "Liberté, Liberté"
LE CRI
Il ne faut pas se voiler la face
Encore moins faire de grimaces
Je ne cesse de le répéter
Rien ne va plus dans la société
Depuis la conquête de la lune
La terre ne tourne plus rond
L'Homme entre marteau et enclume
Balbutie sa civilisation
Mais pourquoi court-il si vite
Mais où va-t-il si loin
Rien ne sert qu'il se précipite
Il est déjà demain
La révolution de la terre
Se fera dans un bain de sang
L'Homme tisse les mailles de l'enfer
Avec le pouvoir de l'argent
Je ne cesse de le répéter
J'ai même envie d'en pleurer
Mon ego creuse sa propre tombe
Dans la conquête d'un nouveau monde
Mais pourquoi court-il si vite
Mais où va-t-il si loin
Rien ne sert qu'il se précipite
Il est déjà demain !
RAPPELLE-TOI
Rappelle-toi lorsque l'amour nous a souri
Tendrement enlacés, heureux, main dans la main
Deux enfants au soleil dont les sens ont fleuri
Dévoilant leur désir sur le bord du chemin
Rappelle-toi le jour de la première étreinte
Du premier baiser volé, de la première plainte
Nos corps jeunes et beaux s'amusaient de rien, de tout
Insouciants, buvant la vie comme des petits fous
Rappelle-toi les douleurs déchirant ton ventre
la délivrance quand enfin est né notre petit
Les interminables attentes avant qu'il ne rentre
Les sautes d'humeur liées au manque d'appétit
Rappelle-toi les fins de mois difficiles
Ce long défi sur l'avenir envenimé
Les réussites et les échecs de notre idylle
Tous les rêves et les espoirs partis en fumée
Rappelle-toi lorsque l'oiseau a quitté le nid
Ce sentiment étrange d'être à nouveau deux
Le temps faisant son ouvrage nous a démunis
Inscrivant son empreinte en de blancs cheveux
Oh mon aimée, nous voici au bout du chemin
Les épreuves pourtant n'ont pas fané nos rêves
Même si elle tremble un peu ta petite main
Coule en moi la même passion, la même sève
Même si le temps a bien changé ton petit corps
Fatigué, usé d'avoir donné tant d'amour
Rappelle-toi je t'aime encore et encore
Rappelle-toi je t'aimerai encore, toujours...
TRAIT DE CARACTERE
Il est des êtres tristes, un peu nonchalants
Adipeux, flasques, voire glaiseux de temps en temps
Des gens qui ont toujours l'air de mourir un peu
Qu'on croit englués dans leur vie de paresseux
Il y en a au contraire qui pètent le feu
Semblent portés, poussés par un souffle de vent
Frais de mine, légers tel un poil ou un cheveu
Vont de l'avant, jamais au pas mais en courant
Moi, je l'avoue, j'ai tout autre caractère
Jamais hypocrite, parfois trop sincère
Ma tête est nid de serpents, un sac de nœuds
Qualité ou défaut, je suis impétueux
Difficile à me cerner, à me comprendre
L'aube me voit ourson, le soir joyeux pinson
Je prends la main à qui veut bien me la tendre
Mais attention, je n'aime pas la trahison
Il n'est pas faux de dire, je m'aime un peu
Ma glace ne me trahit pas, je me sens beau
Beaucoup me diront, je suis vraiment prétentieux
Il faut bien avoir un ou deux petits défauts
Je pourrais continuer davantage ce jeu
Dire et chanter, je suis merveilleux
Mais j'ai de la pudeur, un zest de modestie
Et ne voudrais me fâcher avec mes amis
Je n'ai pas de honte à faire ces aveux
je suis comme cela, le reste importe peu
Il faut accepter et même se satisfaire
L'amitié a un prix, je ne peux me refaire
SOUFFLE POSTHUME
Tu es le guide sur le chemin de mes errances
Les rires et les peines berçant ma tendre enfance
La larme chavirant dans le creux de ma joue
La main tendue lorsque je tombe à genoux
Tu es la colombe dans le bleu de mon ciel
Volant à mon secours parmi les tempêtes
Le baiser sur ma peau aux essences de miel
Doux et rassurant à l'heure où viennent les défaites
Tu es l'étoile filante éclairant mes nuits
La berceuse enivrant mes rêves de soleil
Mon refuge lorsque tombe brusquement la pluie
Une belle et tendre symphonie à l'heure du réveil
Tu es la conscience à chacune de mes pensées
Un bouclier de sagesse me montrant la voie
L'archange protecteur de mes noires idées
Une bouffée d'oxygène dans un grand désarroi
A chacun de mes pas, je t'entends, tu es là
Tu parfumes mon silence mais pourtant l'au-delà
Tu es mon feu maman, ma porte de salut
Tu es mon sang maman et pourtant tu n'es plus...
LETTRE A MA MERE
Demain sera comme hier, rien n'est plus pressé
Je pleure le silence dans le fond de mon cachot
Quatre murs de béton blancs garnis de barreaux
où je revois hagard le film de mon passé
A force de courir, je n'ai pas écouté
Maman, ma petite maman, si j'avais su
J'aurais ouvert les volets de la vérité
Pour enfin trouver une porte de salut
J'aurais ouvert mon cartable si j'avais su
Pour être le puits sans fond d'où la science jaillit
Mais hélas, de tous les livres, aucun je n'ai lu
Mon ciel s'obscurcit, je sombre dans l'oubli
Je suis prisonnier du piège de la drogue
Cette source du mal inhibant la volonté
Ma vie se résume en un simple monologue
Un petit voile de fumée à perpétuité
J'aurais aimé la terre entière si j'avais su
Crié au monde entier le bonheur d'être sur terre
Ma fierté et mon orgueil n'ont rien entendu
Je glisse inconscient dans la spirale de l'enfer
Je voudrais stopper le temps, faire machine arrière
Pourquoi ai-je tué cet homme dans la rue?
Maman, dis pour moi une dernière prière
Ton fils qui croyait savoir mais n'a jamais su!
A TOUS LES ANGES DISPARUS
Jeune et belle dans son corps adolescent
Elle sème tourment du haut de ses quinze ans
L'aréole de ses deux petits seins dressés
Fait naître l'émoi et de vilaines pensées
Juste quinze ans, l'âge de l'innocence
Avec un soupçon d'orgueil, zest d'insouciance
Elle emprunte un chemin mal éclairé
Et devient la proie de la bête qui errait
Avec violence il la projette à terre
Démon de minuit au service de l'enfer
Il se rue avec hargne sur son petit corps
Déchire tel un rapace sa toison d'or
La bête avide et goulue de plaisir
abreuve de sang ses fantasmes, ses désirs
Des sanglots étouffés se perdent dans la nuit
Une longue plainte suivie d'un râle, d'un cri
Sur le sol, à demi-nu, l'oiseau nous a quittés
La vie s'en est allée, la mort l'a emporté
Une jolie robe blanche baigne dans le sang
Celle d'un ange qui rêvait à ses quinze ans
"C'est un malade ! Pourquoi l'a t'on libéré ?
Les prédateurs, faudrait tous les émasculer"
La colère des gens n'aura aucun effet
Le démon de minuit de nouveau va frapper
D'ailleurs elles en sont mortes...!
L'ENFANCE
A peine sorti du nid il faut déjà surprendre
Tenter de retenir, essayer de comprendre
L'enfance est un grand livre ouvert sur l'avenir
Où l'on inscrit feuille à feuille ses souvenirs
Je me revois assis sur le banc de l'école
Trempant dans l'encrier ma plume Sergent Major
Epiant par la fenêtre l'alouette en son vol
Rêvant d'impossibles victoires et d'îles au trésor
Je revois les escapades avec les copains
Où l'on revenait le pantalon déchiré
Les disputes endiablées de jeunes galopins
Les courses folles dans les bois et les forêts
J'entends les rires et les chants le soir de Noël
Les murmures impatients sous la lampe à pétrole
L'ouverture du cadeau, les yeux plein de soleil
La dinde rôtie, la bûche, les profiteroles
Revient à mes narines l'odeur des confitures
Le chaudron fumant, embaumant la maison
Les parfums des fruits rapinés dans les pâtures
L'odeur du blé quand papa faisait la moisson
Je ressens les colères après une belle fessée
Tous les rêves et les espoirs partant en fumée
Les interminables heures de colle d'enfant pressé
Les nuits d'angoisse, les cauchemars envenimés
A petits pas d'espoir il a fallu gagner
Ecrire des pages d'histoires sans jamais reculer
Jour après jour tisser sa toile comme l'araignée
pour devenir Homme et enfin se dévoiler
REVE OU REALITE
Main dans la main, avançant comme marée de sang
Ils criaient leur révolte pour ne plus être personne
C'est à eux que l'on doit ce trésor à présent
De vivre tête levée et d'être enfin des hommes
Dans un ciel étoilé nous pouvons nous aimer
Dire oui ou non dans un suffrage exprimé
Ne plus sentir la menace nous tirailler
Respirer la vie sans avoir à batailler
Bleu blanc rouge, bien des peuples vont nous imiter
Bannière au vent et poing levé, ils sont partis
Tête haute, fiers et dignes, en quête d'identité
Pour brandir l'étendard de la démocratie
Main dans la main, avançant comme marée de sang
Ils crieront leur révolte pour ne plus être personne
Philosophes ou poètes, pauvres et paysans
Clameront ton nom et ta gloire qui résonne
Ils pourront penser, agir, croire et puis chanter
Crier leur bon plaisir d'être enfin respectés
Ils feront un monde où tous les hommes sont frères
Vivant en parfaite harmonie sur planète terre
Ce n'est pas un leurre d'espérer ou de réver
Mais je clame et ne cesserais de répéter
J'ai dans le coeur une bannière, un poing levé
Si un jour on veut me voler la liberté !
Le fonctionnaire et la bête (histoire vraie ou presque)
Il fait un temps de chien en ce lundi matin
Quand un fonctionnaire, absorbé par son travail
Aperçoit un petit corniaud en son chemin
Mendiant les honnêtes gens pour faire ripaille
La truffe humide d'un givre hivernal
Le poil hérissé sur ses membres engourdis
Notre héros se saisit du petit animal
Dans une jolie pirouette prompte et hardie
Commence alors une dure journée de travail
Dans des recherches longues et trés pénibles
Le valeureux fonctionnaire, vaille que vaille
Ouvre les coeurs, alarme les âmes sensibles
C'est l'extase, l'euphorie dans tous les bureaux
Quand en fin de soirée, le maitre est retrouvé
L'administration récompense son héros
Mais que de travail en une seule journée ouvrée
Fier de lui, notre gratte papier jappe de joie
Bondit de meuble en meuble, de table en table
Heureux de redonner à l'animal un toit
Et de se sentir un homme respectable !
Félicitons notre belle fonction Publique
D'encourager les comportements héroïques
Tous ces hommes courageux et honnêtes
Bravant les éléments pour nos amis les bêtes
Monsieur le ministre remit officiellement
La truffe de bronze, en criant haut et fort
" Vive le courage et le dévouement
Bravo et merci ! Et à quand le teckel d'or ? "
ADIEU, L'ami !
Ce matin, j'ai perdu un ami
Compagnon fidèle d'une tranche de vie
En une brume automnale, il s'en est allé
Emportant avec lui mes plus belles années
Je le revois, courant sur les chemins
guettant le moment de n'être pas trop loin
Heureux de vivre, de partager l'instant
Toujours joyeux, jamais mécontent
Un volcan brûlait en lui, le feu, le sang
Formant une rivière, agonisant
Des petits cris, une ou deux plaintes
Puis les lueurs de la vie se sont éteintes
Les yeux humides, j'ai creusé la terre
Pour y noyer son petit corps
Un arbre planté s'abreuve de ses chairs
Son sonvenir survivra encore
Je l'appelais P'tit louis, mon adoré
Il était tout, il n'était rien
Je vous l'avoue, j'en ai pleuré
C'était mon ami, c'était mon chien...
FIFI et la poulette (histoire vraie)
Jeune garçon à la gachette sensible
Fripon au caractère pas facile
Dans la basse cour s'en est allé
En quête d'un volatile à tuer
Le temps paraît long aux impatients
Lorsque la ligne de mire reste vide
Pas même un petit piaf insouciant
Ne veut aujourd'hui servir de cible
Un jeune moineau ferait l'affaire
Un rachitique ou vieux solitaire
Pour soulager l'envie qui vous grise
Juste pour le plaisir que l'on vise
L'accident dure une seconde
Vilain réflexe d'un enfant
Dans un frisson qui vous innonde
la poulette baigne dans son sang
Il est trop tard pour reculer
Ne pas céder à la panique
Le forfait sitôt maquillé
Pour faire taire la critique
Mais le père en renard avisé
Fait déterrer le pauvre animal
La feue poulette est autopsiée
Et l'on découvre le plomb fatal
Trente années se sont égrainées
Dans le puits de l'éternité
Mais l'enfant reste condamné
Aux exigences de la moralité !
Si point de gibier dans ta ligne de mire, pose ton fusil avant l'accident . Pose ton fusil si tu veux garder ton âme d'enfant !
POUVOIR EPHEMERE
Ils sont retournés à la terre
Tas de cendre, grains de poussière
Tous les grands de ce monde
Avec leur pouvoir dans la tombe
Avec une simple signature
Ils créaient le désespoir
Se noyaient dans la luxure
Pendant que d'autres broyaient du noir
Ils s'habillaient de médailles
De gloire, et d'autosatisfaction
Le peuple écrasé dans la tenaille
Se nourrissait d'humiliation
Mais qui sont-ils maintenant ?
Un nom dans un dictionnaire
Leur souvenir s'enfuit avec le temps
Tas de cendre, grains de poussière !
L'AMOUR
Quand ton corps aimé
Sous mes caresses passion
Se donne tout entier
Quand tes sens retrouvés
Vibrent d'émotion
D'un amour partagé
Quand ta bouche se fait bataille
Juste une caresse, un frisson
Ton corps, d'amour, vibre tressaille
Quand tes bras complices
A en perdre raison
Demandent encore supplice
Quand ton corps entier éclate
Vibre, vibre petit bouton
Coulent enfin perles de l'orgasme
Quand ton plaisir immense
Fait éclater fruit de passion
La joie de ton bas ventre
Quand l'être cher au plus profond de toi même
Sème le vent de guérison
Amour délivrance donne petites graines
Quand ton enlacé
Confondu d'une parfaite union
Conjugue le verbe aimer
Quand tout est amour
Quand tout est passion
Quand au petit jour
On a perdu la raison
On se plaît à se dire
On se plaît à penser
Rien ne peux se finir
On veux recommencer !
Papa René (sur l'air de "Mon vieux" de Daniel Guichard)
Avec sa musette sur le dos
Il s'en allait à pied au boulot
Par un soir d'hiver neigeux
Mon vieux
Quarante-huit heures par semaine
A faire du carton à la chaîne
C'était un besogneux
Mon vieux
L'été on allait voir la mer
Tu vois, c'était pas la misère
Au Crotoy ou à Saint-Valéry
J'avais froid tant pis
Avec sa musette sur le dos
N'avait pas l'air d'un hidalgo
Dans son pantalon miteux
Mon vieux
Le soir en rentrant du boulot
Il allait nourrir ses animaux
Je crois que ça le rendait heureux
Mon vieux
Les dimanches on allait à la messe
Après avoir été à confesse
Puis on mangeait le pot-au-feu
chez mon vieux
Avec sa musette sur le dos
Ses chaussettes en mille morceaux
Il avait l'air parfois d'un gueux
Mon vieux
Il était le roi du bricolage
Même en matière de jardinage
C'était presque un demi-dieu
Mon vieux
Sept bouches à nourrir
A habiller, à faire grandir
Il était vraiment merveilleux
Mon vieux
Dire que j'ai passé des années
Sans vraiment lui dire que je l'aimais
C'est vrai, on était des taiseux
Nous deux
J'aurais pu, c'était pas malin
Faire avec lui son beau jardin
Ca l'aurait aidé un peu
Mon vieux
Mais quand on est adolescent
on n'a pas le coeur assez grand
Pour voir ces choses-là
Tu vois
Maintenant qu'il est au paradis
Tous les jours je pense à lui
J'aimerais tant que tu sois là
Papa...