Philippe MERCIER DHANGEST
J'ai vu la mer !
Dans le bleu de tes yeux
j'ai vu la mer
Ciel étoilé de mille brasiers
Qui s'étiolent et partent en fumée
Dans le lac de tes secrets
Sur les courbes de tes reins
J'ai vu la mer
Vagues déferlantes de plaisir
Où se brisent mes pensées
Sur l'écueil de tes désirs
Dans la douceur de tes seins
J'ai vu la mer
Rondeurs nacrées de mystère
Petites îles de satin
Où chavirent mes chagrins
Dans la chaleur de tes baisers
J'ai vu la mer
Parfums d'iode et d'écume blanche
Moiteur sucrée, douce caresse
Où s'enivre ma jeunesse
Sous le pont de tes jambes
J'ai vu la mer
Etoc ennoyé de salive
Emergeant d'un calice nacré
Où s'abreuvent mes phantasmes, mes dérives
Dans les battements de ton coeur
J'ai vu la mer
Tempo velours, rythme tempête
Cascades de plaisir recommencées
De nos corps entrelacés
1er prix Section libre 2010
Théâtre et Poésie en Brière
La demande
Mon regard se trouble sur ton corps décharné
Branche morte habillée d'un linceul de peau
Le diable frappe à notre porte, ma bien-aimée
Lézardant tes chairs en de multiples lambeaux
Reverrai-je un sourire sur tes lèvres ?
Ce volcan de volupté donnant la fièvre
Jardin d'Eden où je m'inondais de plaisir
La source de vie qui abreuvait mes désirs
Voudrais t'aider dans ton combat mais que puis-je ?
Voudrais te soulager mais mon sang se fige
Je pleure ta souffrance, ta bouche, tes yeux
Un mot, une plainte, tu brûles tes derniers feux
J'ai peur de céder à tes demandes, tes désirs
Chaque jour, tu me mets à l'amende d'en finir
Mais en ai-je le droit, en ai-je le pouvoir ?
Cet instant sera pour toi ta dernière victoire
Dans la même passion que celle du premier jour
Je sème le poison soulageant pour toujours
Mes paupières sont gonflées, ma voix s'étrangle
Me voilà débarrassé d'un mal étrange
Un dernier babultiement, tu me dis "Merci"
Tes yeux se ferment, tu voles vers le Paradis
Mes lèvres baisent tes lèvres, je bois ton plaisir
Mes larmes brûlent ta fièvre, je pleure ton désir
J'avais peur de te perdre et t'ai perdu pourtant
La vie s'en est allée comme s'enfuit le temps
J'avais peur de te perdre et t'ai perdu pourtant
Au revoir mon coeur, au revoir passionnément
1er Prix, Prix spécial Jocelyne Huguet 2010
Théâtre et Poésie en Brière
Humilité !
Je suis grain de poussière traversant l'horizon
Un tas de matières quand vient la morte saison
Je suis la feuille qui se fane l'espace d'une vie
La racine de l'arbre s'engouffrant dans l'oubli
Je suis un murmure dans la complainte du vent
Une vague éphémère dans le creux des océans
Le petit grain de sable déposé sur la dune
Par doux zéphyr au gré des marées de la lune
Je suis bulle de savon montant dans le ciel
Belle naufragée dans l'insondable immensité
Une seconde de vie au gout de fiel ou de miel
Vite oubliée dans le puits de l'éternité
Je suis la cendre refroidie du dieu volcan
Le refrain assourdissant de ses rouges colères
Je suis le sillon que l'on creuse à travers champs
Mélange d'eau et de poussière, je suis la terre !
3ème prix section libre
Théâtre et Poésie en Brière 2012
L'oiseau
Un oiseau s'est posé sur ma main, rêvais-je ou ne rêvais-je pas?
Un oiseau avec un bec, des plumes, deux pattes, un oiseau quoi!
Je ne connais ni son nom, ni ses refrains
Je ne comprends ni ses chansons, ni pourquoi cet œil malin
L'oiseau me regarde. Moi, étonné, surpris, je le regarde me regarder
Je l'écoute me parler, l'entends me supplier
Un oiseau s'est posé sur ma main et voilà que je délire
Un oiseau, ça ne parle pas, ça chante, ça siffle
Pourtant, oui pourtant, j'entends sa voix comme un cri, une gifle
Le voici, parlant de liberté, se met à nous culpabiliser
à maudire tous mes semblables, à nous juger comme des coupables
Un oiseau s'est posé sur ma main et voilà que j'ai peur
Peur de regarder dans le miroir réfléchissant des sources polluées
Peur des hommes avides de gloire, faisant ripaille dans des terres calcinées
Un oiseau s'est posé sur ma main et voilà que je pleure
Comme une vague de honte envahissant le cœur
Je pleure tous ces êtres exterminés, butin d'une civilisation dépassée
Un oiseau s'est posé sur ma main, mésange, pinson, fauvette?
Un tout petit vaurien, rescapé d'une folle conquête
Une chaude larme tombée de mes pleurs glisse le long de son bec
Il la boit comme une perle de bonheur, une source de bien-être
L'oiseau me regarde. Moi, étonné, conquis, je le regarde me regarder
Ma vue se trouble, une lumière brûle mes yeux
Prenant sa source dans le miroir, d'un coup d'ailes vole vers les cieux
L'oiseau s'en est allé. Rien, plus rien, pas un petit battement d'ailes
Rêvais-je ou ne rêvais-je pas? Sur ma main, oui là, sur ma main
A l'endroit même où l'oiseau s'est posé
Comme un signe du ciel, un dessein
Brille une petite lueur d'éternité...
2 ème prix section Libre décembre 2014
Théâtre et poésie en Brière